mardi 6 février 2007

Les Lumières du simplisme*

En période pré-électorale, les journalistes prennent parti, un par un, pour l'un ou l'autre des candidats. Certains y vont à coups d'arguments, en essayant de démontrer rationnellement la justesse de leurs choix. D'autres alignent les banalités, sans le début de commencement d'une réflexion qui pourrait justifier, par des faits, ce qui est avancé. Ivan est de ceux-là.


Croisé de la Nation française, véritable chantre de l'esprit et des moeurs du pays des Lumières, Ivan Rioufol continue à défendre la France à corps et à cri. Contre qui ? Contre l'Islam. Pour changer.


« Faudra-t-il, demain, ac­cep­ter la polygamie, le mariage forcé, la répudiation, au nom de la non-discrimination des iden­tités ? Dans la pratique, cela ­commence. »


Les vieux démons reviennent. Déjà, en 2005, lors des émeutes des banlieues, la polygamie a été dénoncée pour expliquer, au moins en partie, les actes de violence. Peu ont fait cas de cette grande absurdité proférée par un député de la République et un Ministre d'Etat. A l'époque, personne n'a vraiment cherché à appuyer ces propos, pourtant surprenants. Ivan, fidèle à une tradition bien ancrée à droite, dénonce donc sans jamais justifier. On appelle cela un discours performatif : il crée de toute pièce la réalité qu'il invoque. En d'autres termes, à force de l'écrire partout, les gens vont bien finir par le croire.


Nous nous contentons ici de réagir à ce que nous lisons, en citoyens se voulant éclairés. Comme Ivan Rioufol, nous sommes passés par l'école de la République. Comme lui, nous avons étudié les Lumières, nous avons appris la philosophie et la construction d'une argumentation. Le but de toute philosophie consiste à comprendre le monde qui nous entoure. Faire tomber les préjugés et les pensées stéréotypées pour comprendre et bâtir son jugement à partir de la réalité. Là est le véritable esprit des Lumières.


Contrairement à Ivan Rioufiol, nous ne sommes pas payés pour enquêter et vérifier, pour faire un véritable travail de journaliste afin de proposer une information honnête au reste de la population. Contrairement à lui, nous nous garderons bien d'avancer des idées non-vérifiées par l'épreuve des faits. Citer une Académicienne ne suffit pas. Certes les cultures changent, par les contacts qu'elles entretiennent entre elles, mais changement ne veut pas dire délitement. Le processus de syncrétisme intervient dans chaque contact, et il reste un concept essentiel pour penser la mondialisation aujourd'hui. Un autre enjeu serait de savoir si ces variations sont dues à une culture musulmane supposée agressive ou à un capitalisme anglo-saxon porteur de valeurs et de styles de vie, et dont le marketing et le lobbying sont tout autant agressifs sinon plus (Cf la politique états-unienne en matière de cinéma, par exemple). La réalité est donc loin d'être aussi simple que ce qu'Ivan voudrait bien nous faire croire. D'un journalisme partisan et simpliste ne peut émerger que des idées tronquées et faussées. Tout à fait l'esprit de des Lumières.


*Billet écrit à partir de La République des faux durs.

mardi 30 janvier 2007

Le choix de se taire*

Après une approche esthétique fort utile pour effleurer ce style inimitable d'Ivan Rioufol, passons à son contenu, moins policé.


Dès le premier paragraphe, Ivan attaque très fort. Ainsi, la hausse de la démographie est imputée exclusivement à la population immigrée "extra-européenne". Bien évidemment, la culture de la France est alors mise en jeu. Bien sûr, comptons sur notre Ivan national(iste) pour défendre la fondue, le vin rouge et le saucisson, bastions de la culture française. Mais Ivan, tel le chevalier des temps modernes (à défaut de l'être lui-même) va plus loin, et en appelle à la survie de la libre expression. Il prend la défense d'un professeur de philosophie, qui après avoir écrit dans le Figaro, a eu le malheur d'être critiqué.

La liberté d'expression, c'est justement cela, la liberté de critiquer librement les paroles de chacun, tout spécialement quand cela frise le tolérable (et nous allons voir qu'Ivan excelle à ce petit exercice).


Nouvelle surprise, Ivan n'aime pas le rap ! Diam's n'aura droit qu'à un seul commentaire : «Encourager cette agressivité ? ». Il est toujours intéressant de constater qu'on s'attache aux formes, sans jamais parler du fond. Aussi pour une raison inconnue, Ivan ne nous parle pas de ce discours, de son message. Il faudrait écouter du rap, et tenter de le comprendre pour cela. Restons donc dans les formes.


Puis vient la diatribe sur l'école. On frise là le ridicule. Car tout s'éclaire : les jeunes sont familiers de l'altermondialisme car les enseignants sont tous membrs d'Attac, l'endoctrinement est donc à nos portes. Le corrélat entre la gauche enseignante et la dérive de l'école est fait, vite et bien. C'est alors qu'Ivan, défenseur de la veuve et l'orphelin (mais européens et de droite si possible) en appelle à une libération de l'école, comprenez une droitisation sans nuance des enseignants. Car d'après notre chroniqueur, José Bové serait bien plus présent que Bismarck dans les manuels scolaires... Et quid du maccarthysme ? En parler ne serait-il pas tout autant salvateur pour nos têtes blondes ?

Enfin, arrêtons nous sur le dernier paragraphe, intitulé "Autodestruction". Ivan nous y explique que si la classe intellectuelle française ne réagit pas aux attaques islamistes sur la culture française, il sera bientôt trop tard, et « la nation aura disparu avant la fin du XXIe siècle » ! Il est extraordinaire que des gens supposés érudits oublient que la France n'eut de cesse de connaître des vagues d'immigration successives dans son histoire. Que cela l'a construite, au même titre que les philosophes des Lumières, période chérie par le chroniqueur du Figaro. Extraordinaire aussi cette vision de la culture, comme un bloc monolithique et immuable, qui serait érodé par des vagues d'immigration. Cette vision de la culture, des cultures, est tout simplement simpliste et dépassée. Elle est oublieuse des phénomènes de métissage, de contacts et d'échanges, liens naturels entre les populations.

L'ami Rioufol conclut sur la question d'un choix à faire pour 2007 : effectivement, il va falloir choisir entre un alarmisme de bas étage, teinté d'un fond de nationalisme, et une attitude plus mesurée, qui comprend le poids de l'histoire et l'importance de faire avec ce qui est. Car tout est là, sous nos yeux : l'attitude qui consiste à défendre une culture française de souche, « vraie » et « pure », ignore que les cultures s'interpénètrent en permanence, et que les frottements entre aires culturelles sont inévitables. Vouloir se calfeutrer, c'est fuir, renoncer à la rencontre. Pourquoi ne pas dialoguer librement et de façon raisonnée, plutôt qu'un rejet primaire ? Si l'esprit critique est français, il devrait se soumettre à la discussion, et à l'argumentation. L'esprit des Lumières, si cher à Ivan Rioufol, a toujours appelé de ses voeux le dialogue, et la civilisation. Surtout pas des tours d'ivoire et des barricades.


*Toutes les citations sont extraites du dernier article d'Ivan Rioufol, un choix de civilisation.

dimanche 28 janvier 2007

Comment écrire comme Ivan - 1

Lorsque l'on parle d'exposition des idées, il fait parti des lieux communs respectés de savoir qu'un texte compliqué n'est pas révélateur d'une pensée complexe mais seulement d'un problème d'expression. La recherche actuelle précise par contre que le phénomène de complication porte un nom : le complisme, le fait de compliquer les choses simples. Il ne faut cependant pas tomber dans l'excès inverse, des paroles simples ne sont pas non plus plus ou moins révélatrice d'une pensée profonde et quelque soit la qualité de la pensée, on peut nommer la parole simple : un simplisme.

Concernant notre sujet d'étude, les choses ne sont pas compliqué. Pour être précis : « C'est tout simple. » (I. Rioufol, 20/10/2006)

Pour rester fidèle à cette doctrine, nous resterons nous-même simple et nous entamerons par une contribution sur la signature stylistique des chroniques hebdomadaires d'Ivan Rioufol. Pour reconnaître une de ses chroniques dans un blind test dans une soirée un peu trash, c'est tout simple. Regarder simplement les dernières lignes. Une phrase putassière en guise de titre et une ou deux phrases en guise de contenu et vous avez à la perfection symbolique l'aboutissement de la jouissance textuelle et littérale de l'activité journalistique de l'auteur. Mais surtout, ce qui fait le charme de ce ce style, c'est le rythme haletant, presque digne d'un marcheur olympique. On sent là toute l'envie d'aller encore plus, de mettre encore moins de mots et d'aller à la quintescence du déplacement verbal. C'est trop d'émotions pour un seul homme que de pouvoir écrire avec autant de plaisir.

À titre d'exemple, en voici une qui nous semble particulièrement représentative :

Esprit de capitulation

Troisième anniversaire de l'invasion de l'Irak. Flot attendu de commentaires contre George Bush et les Américains. Toujours ce choix de ne pas vouloir affronter le totalitarisme islamiste, qui terrorise d'abord les populations musulmanes. Toujours ce même esprit de capitulation.



I. Rioufol, 24/03/2006


Savoir reconnaître est une chose mais savoir reproduire est le début de la civilisation. Comme on le dit depuis longtemps : Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. Le rapport remis par le laboratoire en Recherche En Anomalies Congénitales (REAC) montre qu'encore une fois, c'est tout simple. Il existe évidemment des manières complexes et raffinées mais autant donné directement la méthode simpliste : arrêtez de faire caca pendant deux semaines et n'oubliez pas de taper nu-pieds avec vos doigts de pieds dans des coins de tables 2 à 3 fois par jour.